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Chaleur mondiale 2023 : certaines causes naturelles

Entre les quantités énormes de vapeur d'eau expédiées dans la haute atmosphère par le volcan sous-marin Tonga début 2022, l'installation d'El Niño ces derniers mois et des concentrations de sable assez faibles dans l'atmosphère, le coup de chaud de cette année 2023 sur Terre s'explique en grande partie par des causes naturelles...

LE VOLCAN TONGA ET SA VAPEUR D'EAU

Le 15 janvier 2022, le volcan sous-marin Hunga Tonga a explosé. Il a rejeté d’énormes quantités de vapeur d’eau dans l’atmosphère. D'importantes conséquences sur notre climat sont très probables.
 
L'éruption volcanique la plus forte de l'histoire récente a catapulté près de 150 millions de tonnes de vapeur d'eau dans la stratosphère lorsque le volcan Tonga est entré en éruption au début de l'année dernière. 

LA VAPEUR D’EAU, UN PUISSANT GAZ À EFFET DE SERRE

L’apport de vapeur d’eau correspond à plus de 10 pour cent de la teneur "normale" en vapeur d’eau de cette couche atmosphérique située à une altitude d’environ 20 à 50 kilomètres. Normalement, la haute atmosphère comporte un air très sec, auquel un peu de vapeur d'eau n'est régulièrement apportée que par des orages très étendus.
 
Après le gigantesque apport de vapeur d'eau provoqué par l'éruption des Tonga, il faudra probablement des années avant que la teneur en vapeur d'eau y revienne à la normale.

La vapeur d'eau est de loin le plus important gaz à effet de serre de la Terre, avant même le CO2, plus efficace mais à une concentration bien moindre. Une augmentation des températures mondiales commençait à être annoncée dès l'été 2022 à la suite de l'éruption.
 
Contrairement aux éruptions classiques, cette éruption ne contient pratiquement pas d’aérosols refroidissants comme le dioxyde de soufre (SO2), pouvant atténuer la lumière solaire incidente. Au lieu de cela, l’entrée de vapeur d’eau a l’effet inverse : les températures augmentent.

LE RÉCHAUFFEMENT AFFECTE-T-IL ÉGALEMENT LE VORTEX POLAIRE ?

Le graphique suivant montre l'intensité de l'injection de vapeur d'eau du volcan Tonga dans la stratosphère pour les zones équatoriales de la Terre entre 45 degrés sud et 45 degrés de latitude nord :

Fig. 1: Teneur en vapeur d'eau à une altitude d'environ 30 kilomètres; Source: NOAA

Fig. 1: Teneur en vapeur d'eau à une altitude d'environ 30 kilomètres; Source: NOAA

Cette vapeur d’eau s’est désormais répandue jusqu'aux régions polaires de la Terre, où ses effets de réchauffement pourraient se produire, pouvant peut-être amoindrir le vortex polaire. En raison du caractère unique de l'événement et du manque de recul, la question reste toutefois en suspend, à savoir si et comment cela affectera l'évolution météorologique l'hiver prochain.
 
Il n’est pas non plus possible de quantifier la part de la vapeur d’eau provenant de l’éruption des Tonga dans l’accélération et l’intensification du réchauffement climatique observé dans le monde entier cette année. Ce type d'éruption étant très rare, les scientifiques ne disposent d'aucunes données ou modélisations fiables dans ce domaine.
 
Selon certains scientifiques de l’Université d’Oxford, l’éruption aurait augmenté de 7% la probabilité que le réchauffement climatique dépasse la barre des 1,5 degrés.

LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE À LA VITESSE SUPÉRIEURE

Cela se produit presque partout dans le monde depuis des mois. Les vagues de chaleur et températures records se succèdent un peu partout sur la planète. Les excès de fraîcheur sont plus rares, peu étendus et ne compensent pas l'excès de chaleur.

Les pics de chaleur parfois extrêmes observés sur des périodes de temps de plus en plus longues augmentent non seulement la température moyenne de l’air, mais aussi les températures de surface de nombreuses zones océaniques à des valeurs qui n’ont jamais été mesurées auparavant. On évoque même le terme de blob ou canicule marine.

EL NIÑO CONTRIBUE ÉGALEMENT AU RÉCHAUFFEMENT

Il va de soi que le phénomène météorologique qui se rétablit actuellement, El Niño, a également joué un rôle important dans cette hausse inhabituelle des températures. L’anomalie météorologique au-dessus du Pacifique tropical augmente depuis des mois les eaux chaudes des océans vers la côte ouest de l’Amérique du Sud, une situation qui devrait se poursuivre au cours de l’hiver prochain.

Fig. 2: El Nino en septembre 2023; Source: NOAA

Fig. 2: El Nino en septembre 2023; Source: NOAA 

Ce phénomène météorologique, qui se produit tous les deux à sept ans, inverse les courants océaniques et les systèmes de vents dans le Pacifique tropical, déclenchant des vagues de chaleur régionales et des sécheresses dévastatrices, ainsi que des tempêtes, des précipitations catastrophiques et des inondations. Les effets d’El Niño sont moins prononcés en dehors de la région Pacifique.

Les conséquences du phénomène El Niño restent difficiles à établir pour l'Europe où les conditions peuvent être radicalement différentes d'un El Niño à l'autre, si ce n'est des températures souvent élevées. Le régime des précipitations restent très aléatoire.

INTERACTION DE NOMBREUX FACTEURS

En outre, des zones de haute pression particulièrement stables et stationnaires ont provoqué ces derniers mois des vagues de chaleur inhabituellement longues et ont ainsi conduit à une augmentation significative du rayonnement sur de vastes zones des océans et mers du monde.

En fin de compte, c’est probablement l’interaction fortuite mais parfaite de ces paramètres : réduction de l’opacité de la poussière du désert, El Niño, éruption des Tonga et peut-être d’autres facteurs jusqu’alors sous-estimés qui provoquent l’accélération spectaculaire du réchauffement climatique.

Les courbes de chaleur de tous ces phénomènes se chevauchent et s’ajoutent les unes aux autres et mettent ainsi temporairement le changement climatique en vitesse turbo.

QUELLE ÉVOLUTION CLIMATIQUE POUR LA SUITE ?

El Niño s'atténuera comme à chaque fois, et l'injection de vapeur d'eau dans la stratosphère dûe à l'éruption volcanique se dissipera progressivement. Les zones de haute pression stables changeront également de position et le vent fera à nouveau tourbillonner davantage de poussière du désert dans l’atmosphère qu’auparavant.
 
Cela signifie que ces facteurs réchauffants vont s'atténuer voire disparaitre, du moins dans un avenir proche, et que les cartes seront rebattues. Cela nous permettra de déterminer au moins approximativement dans quelle mesure les différents facteurs ont réellement contribué à la courbe de fièvre actuelle de notre planète.

- Frédéric Decker, Lameteo.org - Mercredi 11 octobre 2023 -

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