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Climat : vers un assèchement de la France ?

Les périodes de sécheresse semblent se multiplier ces derniers années en France à l'occasion de blocages anticycloniques récurrents sur ou à proximité de notre pays. Une vue de l'esprit ou une réalité ? Lameteo.org tente de répondre à la question.

Les relevés météorologiques fiables sur un nombre suffisant de stations météorologiques datent seulement de l'après-guerre, à partir de 1946, permettant ainsi de calculer des moyennes nationales fiables, qu'il s'agisse des températures, des précipitations ou encore de l'ensoleillement. Avant cette date, les stations plus rares et disséminées, souvent proches des grandes villes et donc sous influence d'un réchauffement urbain, ne permettaient pas ce calcul. 

Des sécheresses plus récurrentes ? 

Les sécheresses 2022, 2020 ou encore dans une moindre mesure 2019 indiqueraient un "changement climatique" en France vers une accentuation et une multiplication du phénomène. Il est donc intéressant de faire un point détaillé sur la situation et l'évolution de ces 80 dernières années. 

Moyennes trentenaires 

La climatologie se base sur des moyennes trentenaires pour établir des "normales climatiques". Une période plus courte pourrait exagérer des anomalies récurrentes, alors qu'une période plus longue gommerait plus ou moins d'éventuelles tendances lourdes. 

Entre la trentaine d'années 1951-80 et la dernière (1991-2020), la quantité moyenne annuelle de précipitations en France passe de 784 mm à 769 mm, soit une baisse de près de 2% de la quantité de précipitations. Cette baisse a été irrégulière : 

- 1951-1980 : 784 mm
- 1961-1990 : 773 mm
- 1971-2000 : 775 mm
- 1981-2010 : 769 mm
- 1991-2020 : 769 mm

Précipitations moyennes nationales annuelles en France; Source: MeteoNews

Fig. 1; Source: MeteoNews

La tendance étant peu marquée sur l'année entière, il faut à présent chercher du côté d'une éventuelle évolution selon les saisons. 

Une évolution saisonnière ? 

Les 15 mm perdus entre la période 1951-80 et 1991-2020 le sont principalement en période hivernale avec cette évolution à l'échelle nationale :

1951-1980 : 211 mm
1961-1990 : 210 mm
1971-2000 : 207 mm
1981-2010 : 199 mm
1991-2020 : 199 mm 

Soit 12 mm perdus ou près de -6%. Cette baisse, même légère, se produit durant la période habituelle de recharge des nappes phréatiques. Si les chiffres ne sont pas spectaculaires, associés à la hausse des températures et donc à une hausse de l'évaporation et de l'évapotranspiration potentielle (transpiration des végétaux), ils indiquent une recharge un peu plus difficile et aléatoire selon les hivers, un peu plus secs qu'auparavant. 

Concernant les autres saisons, il n'y a pas de tendances claires : 

Printemps :

1951-1980 : 179 mm
1961-1990 : 192 mm
1971-2000 : 187 mm
1981-2010 : 186 mm
1991-2020 : 179 mm

Etés : 

1951-1980 : 175 mm
1961-1990 : 156 mm
1971-2000 : 154 mm
1981-2010 : 153 mm
1991-2020 : 157 mm

Automnes :

1951-1980 : 219 mm
1961-1990 : 215 mm
1971-2000 : 226 mm
1981-2010 : 231 mm
1991-2020 : 233 mm 

On conteste un léger assèchement des printemps, revenant au niveau de la période 1951-80, une bonne stabilité des étés depuis les années 60 (la trentaine 51-80 étant assez arrosée) et en revanche une hausse des pluies automnales (+14 mm soit +6%). La recharge des nappes profonde débute donc plutôt mieux les automnes avant de freiner les hivers. 

Des bouleversements mensuels ? 

Mois par mois, certains changements apparaissent comme l'indiquent les détails à suivre. 

Janvier 

1951-1980 : 71 mm
1961-1990 : 72 mm
1971-2000 : 71 mm
1981-2010 : 68 mm
1991-2020 : 68 mm soit un assez bonne stabilité.

Février 

1951-1980 : 65 mm
1961-1990 : 64 mm
1971-2000 : 61 mm
1981-2010 : 55 mm
1991-2020 : 55 mm soit -10 mm ou -15% tout de même

Mars

1951-1980 : 61 mm
1961-1990 : 63 mm
1971-2000 : 57 mm
1981-2010 : 55 mm
1991-2020 : 54 mm soit -7 mm ou -11%, deuxième mois consécutif connaissant une baisse sensible 

Avril 

1951-1980 : 53 mm
1961-1990 : 59 mm
1971-2000 : 62 mm
1981-2010 : 63 mm
1991-2020 : 61 mm, chiffres d'abord en hausse puis stables

Mai 

1951-1980 : 65 mm
1961-1990 : 70 mm
1971-2000 : 69 mm
1981-2010 : 68 mm
1991-2020 : 65 mm, légère baisse depuis la période 61-90, retour aux chiffres 1951-80

Juin

1951-1980 : 62 mm
1961-1990 : 56 mm
1971-2000 : 57 mm
1981-2010 : 54 mm
1991-2020 : 55 mm, même constat que la tendance de mai

Juillet

1951-1980 : 50 mm
1961-1990 : 46 mm
1971-2000 : 48 mm
1981-2010 : 48 mm
1991-2020 : 50 mm, même tendance que les deux mois précédents

Août

1951-1980 : 63 mm
1961-1990 : 55 mm
1971-2000 : 50 mm
1981-2010 : 51 mm
1991-2020 : 52 mm, tendance plutôt stable depuis 1961

Septembre

1951-1980 : 68 mm
1961-1990 : 62 mm
1971-2000 : 68 mm
1981-2010 : 67 mm
1991-2020 : 65 mm, chiffres peu fluctuants

Octobre

1951-1980 : 72 mm
1961-1990 : 76 mm
1971-2000 : 82 mm
1981-2010 : 85 mm
1991-2020 : 82 mm, Tendance à la légère hausse jusqu'à la trentaine d'années précédente

Novembre

1951-1980 : 79 mm
1961-1990 : 77 mm
1971-2000 : 76 mm
1981-2010 : 80 mm
1991-2020 : 87 mm, le mois de l'année clairement en hausse, +8 mm soit +10%

Décembre

1951-1980 : 76 mm
1961-1990 : 74 mm
1971-2000 : 75 mm
1981-2010 : 76 mm
1991-2020 : 77 mm, chiffres assez stables 

Une tendance assez claire en février-mars qui s'assèchent sensiblement en fin de période de recharge des nappes profondes avec 13% de baisse des précipitations sur ces deux mois entre les périodes 1951-80 et 1991-2020.  

Une autre en octobre et novembre avec une hausse des quantités de précipitations, plus particulièrement en novembre (+10%) en période de recharge des nappes phréatiques. 

Pression atmosphérique  

Autre indice concernant une éventuelle récurrence des blocages anticycloniques. Sans autant entrer dans le détail, la pression atmosphérique moyenne annuelle ne présente pas de tendance claire sur la France en moyenne nationale : 1016,7 hPa entre 1951 et 1980, 1017,0 hPa sur la période 1991-2020 jusqu'à 1017,2 hPa entre 1971 et 2000.

Pression atmosphérique moyenne nationale annuelle en France; Source: MeteoNews

Fig. 2; Source: MeteoNews

Une hausse de pression est notée en hiver, de 1016,6 à 1019,3 hPa de 1951-80 à la période 1991-2020, les printemps et étés voient des chiffres assez stables ou en léger recul, alors qu'une baisse de pression atmosphérique moyenne concerne les automnes (de 1017,5 à 1016,5 hPa). 

En conclusion : 

Les sécheresses hydriques semblent en hausse pour deux raisons : une hausse du champ de pression et une baisse des précipitations en hiver, période de recharge des nappes phréatiques. Et ce malgré des automnes un peu plus dépressionnaires et pluvieux (surtout novembre) sur la tendance 1951-2020. 

Autre raison : la hausse des températures (réchauffement climatique) qui accroît la durée d'éveil de la végétation, celle-ci s'endormant plus tard en fin d'automne et se réveillant plus tôt en fin d'hiver ou début de printemps qu'auparavant, très logiquement. Cette durée d'éveil plus longue accroit par définition l'évapotranspiration potentielle (transpiration des végétaux) et donc l'assèchement des sols en surface comme en profondeur, la végétation pompant plus longuement dans l'année dans nos ressources en eau.

- Frédéric Decker, Lameteo.org - Mercredi 22 février 2023 -

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